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Le blog de Jörge de Sousa Noronha

La lithographie en devenir

5 Février 2008 , Rédigé par Jörge de Sousa Noronha Publié dans #articles et textes divers




 

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Jörge de sousa Noronha

 LA  LITHOGRAPHIE,  UN  ART  EVOLUTIF

 

Le calcaire lithographique, utilisé pour la première fois par Aloïs Senefelder comme matrice imprimante à la toute fin du XVIII ème, fit timidement son entrée dans le monde des images et des livres. Considéré d’abord comme une simple curiosité de salon, le  procédé fut un peu trop vite jugé incapable de venir concurrencer les moyens traditionnels de reproduction des images, qui étaient jusqu’alors le bois gravé ou la gravure sur métal, techniques par ailleurs déjà riches d’une très longue tradition. Pourtant, la toute nouvelle impression chimique va rapidement évoluer et se développer, et bientôt acquérir sur ses rivales un avantage incontestable dans la fidélité et la spontanéité du dessin,  dans la facilité d’exécution, dans la commodité et la rapidité de la mise en œuvre. Durant les deux siècles qui suivront, elle passera successivement par des périodes fastes et d’autres qui le  seront moins, mais avec, toutefois, d’énormes avancées notamment dans le domaine industriel de l’impression en couleurs. Au XIX ème, par exemple, l’imagerie populaire, les arts décoratifs et l’illustration scientifique en tireront le meilleur parti, et les artistes comprendront d’emblée tous ses avantages graphiques, comme l’étendue et la richesse des moyens d’expression qu’elle peut offrir.

Procédé évolutif par excellence la lithographie vivra successivement l’age de l’impression à l’unité, celui de la mécanisation des presses et de son industrialisation progressive, puis sa mutation dans l’offset, technique décisive qui, elle aussi, poursuit aujourd’hui une constante évolution dans l’automatisme et la numérisation.

Alors, me direz vous, que reste-t-il de la magie originelle du calcaire lithographique, de la bonne dalle épaisse d’antan, du vieux cailloux de 300 kg et plus ?   Tout !... ou presque, à condition, bien entendu, de savoir où le trouver. Après la seconde guerre mondiale, avec le développement de l’offset et la disparition annoncée des imprimeries lithographiques industrielles, la lithographie traditionnelle entrera petit à petit dans le domaine exclusif de l’estampe d’art. A l’heure actuelle, dans les ateliers spécialisés, les artistes peuvent  trouver à la fois les supports lithographiques indispensables, et des compétences nécessaires à la mise en œuvre de leurs créations, tant du point de vue des techniques d’exécution, que de la chimie quelque peu complexe du procédé. Sur pierre ou sur métal, l’artiste redécouvre des procédés oubliés, en crée d’autres, innove. La photographie, pour ne citer qu’un exemple, prend  aujourd’hui une place importante dans l’estampe lithographique originale, seule ou mixée à d’autres techniques de dessin ou de gravure.

Un art évolutif, certainement, qui suit de près les grandes mutations de l’imprimerie, qui construit de nouvelles machines, de nouveaux équipements, un art attentif, en somme, cherchant à concilier au présent le plaisir du travail sur la pierre relié aux moyens techniques les plus sophistiqués.

Si nous en parlons encore ici c’est que, de nos jours, la lithographie, comme d’ailleurs les autres formes d’estampe, demeure pour beaucoup un art totalement mystérieux, comme si un fil conducteur s’était quelque part rompu entre l’engouement d’un passé non pas si lointain et un présent, certes, rempli d’une vaste imagerie quelque peu encombrante, où les choix nous  imposent leurs conditions médiatiques, et où, a fortiori, un minimum de discernement et de connaissances s’avère indispensable.

La lithographie est aussi un art de collaboration. Généralement, l’artiste exécute sa matrice à l’intérieur même de l’imprimerie. Son travail de dessin évolue et s’affine, en tenant compte des  impératifs liés aux  médiums lithographiques et à l’impression.  De son côté, l’imprimeur, est souvent  le conseiller et le guide qui apporte l’aide précieuse à l’aboutissement d’un travail de grande qualité.

Aujourd’hui comme hier, l’atelier d’impression reste, plus par  nécessité d’ailleurs que par définition, un lieu « secret ». Celui qui pénètre pour la première fois dans cet espace magique, découvre tout à coup un univers insoupçonné et la grande complexité des moyens mis en œuvre pour la réalisation d’une estampe d’art.

A l’heure du presque tout numérique, nous sommes en droit de nous poser quelques questions. La gravure, la lithographie, la sérigraphie, par exemple, telles que nous les connaissons aujourd’hui, pourront-elles survivre ? Je ne suis pas, pour ma part, totalement pessimiste, dans la mesure où les nouveaux créateurs sauront ou voudront encore y trouver la douceur d’un grain de pierre, la caresse d’un cuivre, l’odeur d’une encre grasse…

Ce que sera la lithographie de l’avenir nul ne peut le prévoir. Les artistes qui par bonheur auront accès à ce riche moyen d’expression, détiennent à coup sûr la clé précieuse d’un art que nous devrions désormais conjuguer au futur.

 

Paris, I / 04

 

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